Silhouettes dans l'oeil
Début août, dans les plaines du Poitou, les nichées précoces de busards sont déjà loin et les jeunes sont maintenant dans les airs. Il subsiste néanmoins quelques retardataires que l'on espère, jusqu'au dernier moment, épargnées par les moissons, le convoyage nocturne à folle allure des bottes de pailles et le déchaumage qui ne tarde guère..
Grâce à quelques âmes bienveillantes, il existe ça et là des protections de fortune veillant à signaler sans déranger les vulnérables progénitures. Ce soir, nous observons trois installations encore en place dans la plaine qui se dénude.
Des compteurs au crépuscule
21 heures. C'est l'heure de se rapprocher des sites repérés comme étant propices aux rassemblements nocturnes de milieu d'été. Un bref rappel des consignes. Il est l'heure de commencer le premier comptage. Les Nouzières. Busard cendrés, Busards Saint-Martin et quelques Busards des roseaux tournoient au-dessous des champs fauchés ou moissonnés. Les friches sont en voie de disparition. Leur ultime recours est de trouver des parcelles de luzerne à graines par exemple. Les campagnols sont nombreux et font partie de leurs mêts quotidiens.
Pré-dortoir des Busards Gardant leurs distances, les compteurs enregistrent les mouvements, les entrées, les sorties. Les plus aguerris reconnaissent les silhouettes. Longue vues, jumelles, appareils photos. Toute identification est une information qui compte. La lecture d'un marquage apporte une donnée supplémentaire importante. Le crépuscule masque maintenant les détails caractéristiques. Le vent d'ouest a balayé les nuages et rafraichit l'atmosphère. Au loin, on entend le chant de plusieurs oedicnèmes. De grandes silhouettes virvoltent autour de nous. En cette période de début de rassemblement, rien ne semble organisé. Nous enregistrons une cinquantaine de busards «visiteurs» et une petite quinzaine ont opté pour une «nuitée». Certains restant vraisemblablement proches de leur nichée. Les Busards cendrés demeurent majoritaires. L'idée est de recommencer dans une semaine afin de confirmer ces rassemblements nocturnes.
Leur effectif décroit chaque année. Ces mesures sont récentes. La sensibilisation doit encore sérieusement progresser pour veiller à la protection des ces planeurs migrateurs. A la fin du mois d'août, ce sera le grand voyage. Le voyage vers l'Afrique de l'Ouest.

Silhouette dans l'oeil Silhouette de Busard Saint-Martin au crépuscule. Il est reconnaissable notamment à ses ailes plus larges.

Un planeur de haut vol L'agilité du busard. Très bon planeur et acrobate des airs.
Second comptage
Plaine de Vouillé, 8 août. L'activité a augmenté. Outre le dortoir déjà identifié où une majorité de busards se dirige, un second lieu à 500 mètres environ semble attirer nombre d'individus venant de l'est. Il est composé d'une ancienne vigne bordée d'arbres fruitiers et d'une parcelle en jachère le tout un peu plus éloigné de la route et des habitations. Près de 130 busards ont été observé ce soir là sur l'ensemble des cinq dortoirs.
Busard cendré se rendant au dortoir
Troisième comptage
Plaine de Vouillé, 15 août. L'activité semble plus organisée. Des familles entières semblent se déplacer en même temps vers le dortoir signe que les nichées tardives aboutissent. Sur fond de musique de Johnny Clegg – concert oblige à moins de six kilomètres – je suis face où couchant. Vers 21h00 plusieurs busards cendrés venant du nord rasent de façon similaire la chaume, passent devant le disque solaire avant de se laisser choir dans leur dortoir. Un spot idéal. Malheureusement pas le temps de prendre une photo. Mais crayon en main – pour le comptage – je grifonne en quelques traits l'horizon, le soleil se dissimulant derrière les arbres et le profil du busard planant sur ses derniers mètres.
Près de 200 busards sont identifiés ce soir. Nette progression. Mais cependant plus faible que les années précédentes.
Quatrième comptage
Les Lourdines, 22 août. Nouveau dortoir exploré parmi les huit identifiés. Vols de busards face au couchant en lisière d'une parcelle de luzerne. Observation de la grâce de ces planeurs dont l'envergure peut dépasser le mètre pour un poids inférieur à 500 grammes.
J'ai bien aimé ces furtives esquisses se dessinant dans le ciel ambré. Cela me renvoie subitement à un ouvrage de Henri Matisse comparant le fusain au crayon. Le fusain permet de caresser la grâce des formes, sans contours nets et tranchants. Seulement un jeu d'ombre et de lumière épousant des formes et la recherche anatomique qui l'accompagne. Ce clin d'oeil fait référence à l'ouvrage «Ecrits et propos sur l'art».

